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Paysages d'absence et de contemplation EURYDICE TRICHON-MILSANI

L’art du paysage a revendiqué sa place dans la peinture et est devenu objet d’expérimentation, d’abstraction et de méditation. L’ incroyable variété de la nature et de ses phénomènes, les métamorphoses saisonnières, la variété des éclairages ont permis aux artistes de se libérer de l’art académique, de la représentation humaine et du réalisme descriptif. Toutefois, que ce soit dû à la surproduction photographique, ou parce que l’intérêt des artistes après le Pop Art s’est dirigé plutôt vers « les paysages urbains », ou encore parce que nous vivons dans des villes de plus en plus grandes et étouffantes, la représentation de la nature a disparu de la thématique d’avant garde. Rares sont aujourd’hui les paysagistes, que nous appelions jadis « naturalistes ». C’est pour cette raison que l’œuvre d’Hélène Tapta, dédiée exclusivement aux paysages, nous arrête et nous surprend.

Quand d’habitude nous parlons de paysages nous pensons automatiquement à la « nature ». Un coup d’œil aux paysages de cette artiste suffit à nous faire comprendre que ce qui les caractérise n’est pas tellement la nature, mais une disposition à dépasser le naturel. Ni fantastiques ni particulièrement étranges, ses paysages sont suffisamment « indéfinis », pour ne pas exiger du spectateur la reconnaissance du réel. A la limite de l’abstraction, «dépouillés », sans aucun élément narratif, d’où pourrait surgir une histoire, ces paysages vides, mais pleins d’intensité picturale, oscillent entre le conscient et l’inconscient. Leur animation, motivation intérieure, n’a pas de rapport avec l’expressionisme ou l’ « instantané ». Au contraire, ils ont tous une dimension métaphysique et emblématique. Ce qui domine toujours est la ligne de l’horizon avec son symbolisme sous-jacent. Une ligne qui sépare la toile en deux entités: la terre et le ciel. La partie qui correspond à la terre est souvent plus subtile. L’élément terrestre, que la main de l’artiste traite avec des touches légères et décisives, prend des formes à la limite de l’abstraction. Dans la partie supérieure le regard n’est pas arrêté par des pentes ou des sommets montagneux, mais profite largement de l’horizon, tantôt clair et transparent, tantôt parsemé de nuages. Le ciel est l’épicentre de l’œuvre. Des ciels limpides, des ciels chargés, menaçants, pluvieux, secs, enflammés s’offrent à des interprétations prémonitoires et provoquent également un besoin de fuite en avant. Dans le silence, qui nait de l’absence totale de tout être vivant, les vibrations imperceptibles des couleurs créent un lyrisme soutenu.

Parfois une fumée grise ou ocre nous rappelle les horizons d’Yves Tanguy qui retiennent le regard et immobilisent la pensée par leur charme lyrique et irréel. Ici au contraire il existe une réserve de vérité et la pensée sereine reste en éveil. Le spectateur se laisse emporter par l’intensité des horizons et les réminiscences. Ce qui intéresse l’artiste est la construction de son propre paysage. Dans une atmosphère personnelle, dans une lumière entre chien et loup, elle veut nous faire découvrir une contrée inviolée, idéalement isolée, qu’aucun tourisme vulgaire ne pourrait profaner.

Dans cette image à l’atmosphère si dépouillée, la présence du plus petit arbre ou bâtiment prend un aspect symboliquement dramatique. L’artiste ne met aucune emphase dans cette dramatisation. Elle n’essaye pas de nous impressionner. Toutefois, cette intensité soutenue nous émeut. Elle est comme un cri dans une musique douce.

Dans leur silencieuse harmonie, ces paysages particuliers accompagnent et absorbent nos pensées. Ils évoluent comme les pages d’un journal très intime que nous sommes invités à lire. Leur mélancolie indéfinie, la conscience de l’absence nous libèrent, au lieu de nous attrister.

En éloignant la cacophonie de la réalité ils deviennent des lieux de refuge et de libération, des lieux d’harmonie et d’esthétique, des écrans sur lesquels nous pouvons projeter nos propres représentations et nos fluctuations psychologiques.

Helene Tapta m’a dit: EURYDICE TRICHON-MILSANI

«Mes paysages sont des paysages intérieurs. Je les ai abordés avec des techniques différentes : collage, dessin, huile. Ce sont toujours les mêmes. Quand j’étais graphiste à Paris et que je décorais des murs et des paravents c’étaient toujours les mêmes images qui venaient me chercher. Il s’agit d’une nature qui reflète mes sentiments.

Je suis née à Istanbul, j’ai vécu à Paris et enfin en Grèce. J’ai toujours vécu le voyage comme un éloignement continu. Les pays, avec les impressions et les émotions qu’ils me laissaient, étaient comme ces paysages qui défilent derrière la fenêtre d’un train. D’où peut-être la distance que je prends vis-à-vis du paysage: je l’aborde de loin.

Quand j’ai quitté Paris et me suis installée en Grèce, j’ai décidé d’étudier auprès de Thanassi Stéphanopoulos. C’est un homme sérieux et profond qui convenait parfaitement à mon tempérament.

Depuis cette époque, je me suis consacrée exclusivement à la peinture.

Quand je commence à peindre c’est la couleur qui me guide et qui reflète mes états d’âme.

Je ne me trouve jamais à proximité de mes paysages. Ils s’imposent par la nostalgie, la solitude et le rêve.

J’aime beaucoup les cieux et leurs mouvements, les éclats de lumière, le silence, la réserve.

J’aime les lieux rocheux, les paysages minéraux. J’aime le crépuscule, cette lumière entre chien et loup, les ombres. Toutefois, je n’ai jamais eu comme modèle un paysage réel. Devant la nature je m’égare, je l’absorbe. Il m’arrive parfois de faire une esquisse pour retenir une atmosphère. Cependant je travaille toujours enfermée dans mon atelier en essayant de reproduire les sensations issues de la nature.

Skiathos, où je passe mes vacances, m’a beaucoup influencée. Il y a un ciel incroyable et des intempéries spectaculaires qui transforment le paysage de manière irrépressible. J’ aime ses camaïeux de gris, sa mer de pierre.

C’est le sujet qui détermine la dimension et la forme de l’image. Il s’agit de sujets que je « vois » d’emblée dans une certaine dimension. Un petit paysage peut surgir plus facilement, mais il n’est pas plus parlant qu’une oeuvre de grande dimension.

Je travaille à l’huile, parfois au fusain, des mediums qui ont la transparence dont j’ai besoin. J’aime aussi le crayon. Je ne peins jamais des personnes. Ce serait trop bavard. C’est fatiguant. Mon but est de véhiculer un message esthétique, une pensée.

Bien que mes paysages soient souvent particulièrement abstraits, ils restent des paysages : j’ai besoin de la représentation. J’ai besoin d’une certaine structure, d’une construction afin de pouvoir contrôler ce que je fais. Je plane entre le rêve et la réalité: c’est le mélange des deux qui détermine la couleur, une couleur nuancée et recherchée.

Je ne signe pas mes toiles, car je ne les considère jamais comme des oeuvres achevées. Même si je ne me réfère à aucune réalité objective, à aucun élément précis, cela n’exclut pas un dur labeur de ma part jusqu’à l’obtention d’un équilibre irréversible. C ‘est comme les danseuses. Lorsqu’elles apparaissent sur scène, légères et aériennes, rien ne laissent transparaitre le poids de leur préparation.».

Paysages intérieurs, avec la signature d’une femme CHRISTA KOSTANTINIDI

Il y quelques années, en automne 1998, lors de la première exposition personnelle d’Hélène Tapta, je m’étais demandée quel était le critère selon lequel nous pouvions définir la qualité de sa peinture, au delà des tendances, des modes et de tout artifice. J’ai décidé que c’était le degré de sincérité qu’exprimaient ses toiles. Même si à certains endroits transparaissaient encore les tâtonnements de ses premières recherches.

Aujourd’hui, six ans plus tard, en observant l’évolution de son œuvre, nous pouvons distinguer plus facilement cette part d’honnêteté que l’artiste entretient avec son sujet, c’est-à-dire son investissement total qui ne laisse aucune place aux tricheries.

Les paysages d’Hélène Tapta, ses huiles sur toile, de grand ou de petit format, nous rapprochent à nouveau des « ingrédients » de la bonne peinture, celle qui répond aux impératifs de l’art mais aussi à l’appel de l’esprit.

Dans ses œuvres les plus récentes, son trait devient plus reconnaissable, il acquiert sa propre identité. Ses compositions sont séparées en deux entités : la terre et le ciel. Autrement dit, son geste fortement expressionniste s’oppose à ses camaïeux de gris et de bleus. Au milieu, surgissent des formes isolées et solitaires – des édifices- qui évoquent de manière implicite la présence de l’homme qui, d’ailleurs, en est tout à fait absent.

L’extraordinaire topographie des paysages d’Hélène Tapta (j’ai aimé le rapprochement avec les «naturalistes» qu’a été fait dans le texte du catalogue) la conduisent directement vers le triomphe de son art.

Citoyens Peintres - Hélène Tapta (extrait) de Gerontos Halkidonos Athanassiou

Hélène Tapta nous part par ses paysages sobres, raffinés, oniriques et «lunaires», d’où l’homme est «exilé», comme dans les villes de B.Buffet, pourtant très sensuels et expressifs, comme les fleurs, les fruits et quelques résidus de la nature (arbres et plantes), des traces humaines, des silhouettes de maisons. Paysages intérieurs où s’affrontent souvent le ciel nuageux et le calme «fatal» de la mer, où la lumière joue un rôle important, un rôle apollinien, sans pour autant effacer le «rugissement» chromatique et faustien du Nord.

Tantôt c’est le calme qui sévit, tantôt un brio étonnant. Parfois c’est une explosion de couleurs qui domine, parfois une polychromie douce et discrète, la douceur veloutée des coups de pinceau, mais aussi une gamme libre et affirmée.

Des critiques excellentes sur son œuvre ont été publiées dans les magazines «Point» et «Crée». E. Trichon-Milsani écrit: «A la limite de l’abstraction, «dépouillés», sans aucun élément narratif, d’où pourrait surgir une histoire, ces paysages vides, mais pleins d’intensité picturale sont des images qui oscillent entre le conscient et l’inconscient… Parfois une fumée grise ou ocre nous rappelle les horizons d’Yves Tanguy qui retiennent le regard et immobilisent la pensée par leur charme lyrique et irréel… Leur mélancolie indéfinie, la conscience de l’absence nous libèrent, au lieu de nous attrister».

Paris 2010 EURYDICE TRICHON-MILSANI

Dans toutes les toiles d’Hélène Tapta, on découvre la même image: une vaste étendue coupée en deux à l’horizontal, deux entités à la fois autonomes et antithétiques, on pourrait dire complémentaires, traitées de manière similaire: coups de pinceau amples, camaïeux veloutés aux tons tendres, issus de deux-trois couleurs qui s’entre-pénètrent en douceur, une certaine qualité de matière mate, enveloppante mais sans opacité, répandue avec parcimonie. «Ça, c’est moi» dit-elle. «C’est tout ce que je peux faire, c’est comme une signature, un sceau». Cette signature, c’est un paysage ou plutôt le théâtre où s’épanouit et se dévoile un cœur. Paysage intérieur en somme, paysage mental où se trouve cachée, piégée, la parole du peintre. En observant ces images, on est étonné de découvrir tout ce qu’on peut faire avec des principes apparemment simples. Le nombre infini de variations du trait, la richesse des dégradations chromatiques, le subtil traitement de la pâte qui, sans jamais imposer sa suprématie, se diversifie, répandant un sentiment doux et délicat. Une attente mélancolique se dégage de cet horizon à jamais lointain qui, avec le temps, nous devient familier et nous invite à y nicher notre propre rêverie. «Pendant des années, je n’ai peint que des paysages, mais je ne me considère pas comme une paysagiste» déclare l’artiste. «Il ne s’agit pas de paysages réels. La nature ne m’intéresse pas en tant que telle, pas plus que ce qui l’habite. Le rocher, l’arbre, les autres éléments naturels qu’on peut rencontrer sur mes toiles acquièrent aussitôt un sens symbolique. Je ne peux m’en servir que comme des métaphores. Si j’ai toujours fait ce genre d’images, c’est parce qu’elles me permettent d’y projeter mes humeurs, y enterrer mes sentiments. Pendant longtemps, cet état des choses est resté stationnaire. Il est pourtant venu un moment où je me suis sentie trop seule dans mon paysage et où j’ai éprouvé le besoin d’une présence. Surprise, je me suis mise à introduire des choses inimaginables jusqu’alors: une maison, par exemple. Une maison dans le paysage, c’est comme une histoire...

L’élément humain est donc entré timidement dans mon tableau: un petit bonhomme qui court au ras de l’horizon traînant un nuage. "Ça pourrait avoir une connotation surréaliste mais je ne veux pas m’appesantir sur ce fait. C’est comme un songe, une vision infime. Ailleurs, un homme tient un ballon, allusion peut-être à une enfance à jamais révolue. J’ai toujours été fascinée par ces personnages qui, l’air rêveur, traînent des ballons comme des grands bouquets multicolores... Quand je me mets à peindre, tout d’abord je marque la ligne de l’horizon, c’est primordial, ça me rassure. C’est à partir de là que le dialogue s’installe entre terre et ciel. Tantôt c’est l’un qui l’emporte, tantôt l'autre. Le paysage qu’au début j’avais mis à plat et à distance, est aujourd’hui nanti d’une perspective fuyante qui creuse l’espace. Est-ce la réalité de la maison qui a commandé ce changement? Souvent, c’est la couleur qui me guide et il est impossible de prévoir où elle va me conduire. Je commence dans les tonalités bleutées et tout préconise une marine mais, surprise, c’est un champ de blé que je finis par peindre. Pour éviter la cacophonie de contrastes heurtés, je n’utilise que trois couleurs à la fois: le bleu, la sépia, le noir-et-blanc, l’ocre, le jaune de Naples, le carmin, des gammes qui correspondent à mes états d’âme, celles qui conviennent à la spécificité de mon paysage...» Ce paysage métaphysique d’Hélène Tapta, qui ne cesse de se répéter, de revenir vers nous, renouvelant ses fines et insinuantes métamorphoses, cet horizon redondant et tenace à soleil bas, qui évoque l’heure insaisissable entre chien et loup, d’avant ou d’après l’orage, malgré son air infiniment discret, s’impose et marque un temps d’arrêt dans le tumulte de notre vie ordinaire. Simple et mystérieux, il révèle le tempérament secret de son créateur dont les humeurs arrivent jusqu’à nous comme les variations d’une musique douce mais tenace, prompte à accompagner notre solitude.

Interview (extrait) JEAN - MARIE DEDEYAN

-COMMENT ÊTES-VOUS VENUE À LA PEINTURE?

Dès mon enfance, j’ai été attirée par le dessin, à la maison comme à l’école. C’était d’ailleurs un sujet de préoccupation pour mes professeurs, car je passais mon temps à dessiner, à gribouiller, en marge de mes cahiers d’écolière. Mais la professeure de dessin que j’avais alors, à Athènes, Linda Andoniadou, mariée à un peintre connu, m’a beaucoup aidée et m’a même initiée au collage.

J’étais une élève studieuse mais, à l’évidence, plutôt attirée par les activités artistiques. Cela fait qu’à la fin de mes études secondaires, mon caractère indépendant et le désir de gagner ma vie, très vite m’ont orientée vers le graphisme. A l’époque, je n’avais sans doute pas encore la force intérieure, ni la maturité suffisante, pour m’orienter vers les Beaux-arts.

J’ai souhaité me rendre en France où j’ai obtenu un diplôme d’arts plastiques. Naturellement j’ai effectué des stages dans le cadre de mes études et j’ai fini par être embauchée dans une agence de publicité où j’ai énormément appris.

-LES CRITIQUES, AUJOURD’HUI, ÉVOQUENT LE REGARD SENSIBLE, INTUITIF QUE VOUS PORTEZ AUX FORMES, À L’ESPACE ET AU TEMPS. VOUS EXPRIMEZ CETTE INSPIRATION PAR DES COULEURS PARTICULIÈRES, PAR UNE LUMIÈRE ORIGINALE, PAR UN STYLE QUI VOUS CARACTÉRISE DE MANIÈRE APPRÉCIABLE. COMMENT QUALIFIEZ-VOUS CETTE APPROCHE CRÉATRICE?

Onirique ! Abstraite, imaginaire, musicale… il y a dans ce que je peins un rythme, une musique, une nostalgie, une mélancolie, un romantisme, un univers qui n’a pas de rapport avec la réalité immédiate, un paysagisme abstrait d’un autre ordre que celui de la simple description.

-VOUS AVEZ ÉVOQUÉ PLUSIEURS MUSÉES ET QUELQUES GRANDS PEINTRES. MAIS AU PLAN DE LA TECHNIQUE PURE, QU’EST-CE QUI VOUS A VRAIMENT INFLUENCÉE?

Mon professeur grec, Thanassis Stephanopoulos, à coup sur. Mais également ce que j’ai appris dans le domaine du graphisme quand je travaillais dans la publicité. Mais, au fil des années, je pense avoir progressivement évolué, acquis une technique personnelle.

Aujourd’hui je ne travaille plus qu’avec la peinture pour avoir plus d’épaisseur et de fluidité, pour équilibrer la structure ou la lumière de la toile. Il m’arrive d’intégrer la technique du collage de papier que j’ai préalablement peint. Mais j’ai toujours la même inclinaison pour les couleurs nuancées et je n’hésite pas à atténuer mes coloris, à les estomper pour obtenir un effet de transparence.

-AUJOURD’HUI COMMENT NAISSENT VOS ŒUVRES? CHOISISSEZ-VOUS UN THÈME? FAITES-VOUS D’ABORD UNE ÉBAUCHE?

La plupart du temps, j’ai en tête une synthèse de plusieurs éléments, eux-mêmes synthétisés : des synthèses d’ombres, de couleurs, de nuages, de formes ….

-MAIS POUR INSCRIRE DIFFÉRENTES SYNTHÈSES DANS VOTRE MÉMOIRE, VOUS PRENEZ DES NOTES SUR UN CARNET, VOUS PRENEZ DES PHOTOS?

C’est, la plupart du temps, un déclic qui se produit dans ma tête; quelques semaines ou quelques mois après avoir été sensible à une forme, une ombre, une lumière, son souvenir me revient.

Mais il m’arrive également, notamment en voyage, de sortir un carnet et un crayon pour faire le croquis d’un rocher ou d’un nuage qui m’a touchée. De retour à mon atelier, je scotche la page du carnet sur le mur; j’ai ainsi quelques « mémos » visuels à portée du regard pour me rappeler de manière plus précise certains petits « trésors » visuels. Il m’arrive aussi, mais c’est plus rare, d’utiliser mon appareil photo.

-COMMENT COMMENCEZ-VOUS UNE NOUVELLE TOILE? VOUS COMMENCEZ PAR EN PEINDRE UNE PETITE PARTIE? VOUS METTEZ D’ABORD QUELQUES REPÈRES CRAYONNÉS?

J’ai toujours une idée de départ. Je fais d’abord quelques repères au crayon pour définir un équilibre de proportions entre ciel et terre. Je commence par l’horizon ; c’est important pour l’harmonie de la toile.

-LORSQUE VOTRE TOILE EST TRES AVANCÉE, VOUS L’ACHEVEZ OU BIEN VOUS PRÉFÉREZ LA CORRIGER?

Cette question me fait sourire car souvent, quand on me téléphone alors que je suis dans mon atelier et on me demande: «tu es au travail?», je réponds «non, je corrige!».

-VOUS AVEZ ÉGALEMENT PEINT SUR PORCELAINE, DES ASSIETTES, DES PLATS, DES TASSES…

Oui, c’était d’abord pour sortir de la solitude de mon atelier après une exposition à Athènes et m’essayer à une autre forme d’expression que les toiles auxquelles je venais de consacrer plus d’un an de préparation.

Trois nouvelles thématiques dans l’œuvre d’Hélène Taptas EURYDICE TRICHON-MILSANI

L’exposition que nous présente aujourd’hui Hélène Taptas forme un ensemble cohérent, un univers à part entière: près de quarante tableaux imprégnés de l’atmosphère et du climat familier de l’artiste, auxquels elle nous a habitués depuis de nombreuses années. Une ambiance discrète, subtile, raffinée, aux nuances délicates, qui vibre de suggestions imperceptibles, de sentiments fins et silencieux et de pensées secrètes. Nous n’insisterons pas plus sur l’harmonie du style - élément tout aussi superficiel qu’apaisant, -transmis dès la première lecture- mais sur le fond, la spiritualité ainsi que l’inquiétude qui émane de cet art et que l’on découvre après coup. L’oeuvre de l’artiste est marquée par une mélancolie qui la transforme en un univers dont l’identité nous séduit autant qu’elle nous questionne.

Un tableau est toujours une fenêtre, une vitrine, un théâtre dans lequel l’artiste met en scène ses réactions face à l’évolution de la vie et à la marche du monde. Il est passionnant d’observer ces variations tout en les comparant aux siennes. Ainsi, en observant le travail récent d’un artiste, il arrive qu’on y apprenne une multitude de choses, naturellement sur lui, mais aussi sur soi-même, ainsi que sur tous ceux qui nous entourent, même s’ils ne sont pas artistes.

Dans les œuvres récentes d’Hélène Taptas, on distingue trois unités : les sommets des montagnes, les feuillages –l’élément végétal- ainsi que les hommes ou l’élément animé. Nous pourrions librement donner à ces trois unités le titre: Trois manières d’exprimer l’agonie. Le mot « agonie » pourrait passer pour exagéré, car rien ne semble torturé dans les peintures de l’artiste. Le sens surgit par tâtonnements, sur la pointe des pieds, et n’est pas immédiatement perceptible. Cependant, si l’on examine de près les images qu’Hélène Taptas a travaillées avec autant de sincérité, dans un langage élégant et retenu, on ne peut que discerner des éléments dramatiques indéniables, éléments qui occupent nos existences contemporaines.

On trouve dans ces oeuvres des reliefs montagneux assez bas, qui cèdent la place à un vaste ciel souvent empli de nuages. Aux sommets se trouvent concentrées des maisons-villages, des châteaux, tandis que l’espace environnant est désert, dur et rocailleux. Rien de plus renfermé, de plus hostile, que ces pentes aussi finement dépeintes. Aucune ouverture, aucune brèche, aucun espace d’accueil: rien que des maisons de pierre et des forteresses imprenables. Lorsque le ciel s’alourdit à cause de la tempête qui s’approche, c’est à ce moment qu’on sent apparaître quelque chose du drame.

À l’opposé, ses feuillages et ses fleurs s’offrent au toucher, à la caresse du regard, demandent à être éffleurés et débordent des recoins des hauts murs dans lesquels elles sont acculées. Elle-même le dit, « les murs me fascinent. (…) Tout ce qui se trouve à leurs côtés prend racine, se stabilise. Le mur sépare, cache, protège… ». Et capture, peut-être ? Emprisonne ? Les murs blancs de Taptas semblent vouloir faire barrage à l’existence effervescente des plantes qui essayent de s’évader, de fuir la stabilité rigide d’un mur-barrière. C’est peut-être pour cela que ces fleurs ont quelque chose de rebelle, de violent même. Elles ne sont plus les bouquets décoratifs qui parsèment les beaux moments de notre existence, mais bien des allégories humaines qui nous rappellent que notre vie exsangue est prête à fleurir en dépit de toute épreuve.

Les figures humaines des peintures de Taptas sont peut-être les plus expressives. À travers ces silhouettes microscopiques qui habitent certaines de ses œuvres, s’ouvre une autre dimension. Elles nous révèlent plus que les éléments inanimés. Malgré leur action limitée, elles agissent comme des catalyseurs de la mélancolie. Leur taille, minuscule dans le paysage est dérisoire. Ici, la présence humaine est infime, fébrile face au poids et à l’ampleur de la nature, rappelant certaines peintures de la période romantique.

Les silhouettes se dressent, immobiles, en position d’observation, vouées à rester à l’extérieur de toute action, loin de l’endroit où tout se joue, comme si elles n’avaient pas le droit d’y participer. Lorsqu’elles entrent en mouvement, elles traînent toujours quelque chose derrière elles : un ruban, une plante, un ballon qui leur donne plus d’épaisseur ou de caractère. Souvent, elles courent sans cohérence, traversant littéralement le tableau en lui donnant ainsi une étrange vivacité. Entre ciel et terre, surgit de nulle part, la mystérieuse silhouette du marchand de ballons. Figure fantasque aux ballons colorés, il est tantôt minuscule dans un coin du cadre, tantôt plus visible et plus proche obtenant ainsi une taille proportionnelle à celle du parc qu’il traverse.

Quel élan nostalgique, quels yeux d’enfant embués, quel rêve, a pu bien amener cette figure insolite dans cet espace vide en l’emplissant d’une musique si étrange? Serait-ce le besoin d’espoir qui a invoqué/invité cette vision dans le désert des paysages ? Doit-on voir ici une forme de promesse dans ce feu d’artifice de ballons brandis vers le ciel? Le marchand aux ballons serait-il l’annonciateur/messager de la joie ?

On peut y croire, car les signes abondent. Ils composent le processus même de l’acte de peindre, sa matière, qui telles les plantes essaye de se libérer, de prendre corps. Au-delà et par-dessus son sujet, la matière bouillonne et s’autonomise, réclamant la lumière qui va la réanimer. Une lumière intérieure et continue qui surgit pour chasser au loin toute agonie.

Journaux / Magazines / Livres d’Art / Site web


LIVRES / DICTIONNAIRES D’ART

  • LA CITERNE / MAGAZINE LITTERAIRE & ARTISTIQUE / N. 16 / 2009
  • CITOYENS PEINTRES ET AGIOGRAPHES / ATHANASIOU PAPA / 2012
  • PEINTRES GRECS DE COSTANTINOPLE / 2010

JOURNAUX / MAGAZINES

  • POINT 1974
  • CREÉ 1974
  • Estia 1998
  • Rizospastis 1998
  • Adesmeftos Τypos 1998
  • Avgi 1998
  • Νiki 1998
  • Νaftemporiki 1998
  • Expres 1998
  • Αpogevmatini 1998
  • Εlefterotipia 1998
  • Vima 1998
  • Ta Nea 1998
  • Athinorama 1998
  • 7 meres tv 1998
  • Tilerama 1998
  • HARPER’S Bazaar 1998
  • Idees & Liseis gia to Spiti 1998
  • Estia 2005
  • Αpogevmatini 2005
  • Τiletheatis 2005
  • Μirror 2005
  • Ηmerisia 2005
  • Εinai 2005
  • Foni Kalamatas 2006
  • Eleftheria Kalamatas 2006
  • Tharros Kalamatas 2006
  • Simea Kalamatas 2006
  • Tachidromos Deco 2006
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